L'histoire du Département
Le Département de chimie de l'Université de Montréal : 100 ans d’enseignement et de recherche
André Beauchamp, Christian Reber
Article paru dans un numéro spécial de la Revue canadienne de chimie pour souligner le 100ème anniversaire du Département de chimie de l’Université de Montréal. Il en suit une collection de publications qui illustre la vaste gamme de projets en cours, qui englobent tous les secteurs de la chimie et impliquent de nombreux collaborateurs œuvrant dans plusieurs autres domaines. Cet anniversaire se situe à un moment charnière de notre histoire, celui du déménagement de nos laboratoires et de la totalité des activités d’enseignement au tout nouveau campus MIL de l’Université de Montréal. Ce magnifique édifice, au pied du mont Royal, est le fruit d’un immense travail de tous sur plusieurs décennies. Cet environnement de travail moderne et accueillant assurera un cadre stimulant pour les activités de toute la communauté du Département. Le regroupement des chercheurs favorisera les échanges entre les disciplines, alors que les étudiants de tous les cycles travailleront dans des laboratoires à la hauteur des exigences de la science actuelle et profiteront d’espaces de travail parfaitement adaptés à tous les besoins.
Le premier demi-siècle : des débuts à 1970
Le Département de chimie a une riche histoire, racontée à l’occasion du 75ème anniversaire en 1995 par Jean-Claude Richer, professeur maintenant décédé qui a vu évoluer le Département pendant près de 40 ans.
C’est le 14 février 1920 que l’Université de Montréal était légalement constituée en corporation et devenait une entité juridique distincte de l’Université Laval, dont elle était jusqu’alors partie constituante. Dès sa création, l’institution s’est trouvée face à des problèmes matériels pressants en raison de l'incendie catastrophique des locaux de la rue Saint-Denis qui, le 22 novembre 1919, avait ravagé trois étages du bâtiment. Le conseil exécutif a néanmoins décidé unanimement de recommander la création d’une Faculté des sciences.
Trois professeurs de chimie se sont initialement partagé la tâche : le Père Louis-Joseph Morin (premier directeur du Département et professeur de chimie générale, physique et minérale), le Dr. Georges Baril (professeur de chimie organique), et monsieur Hervé Nadeau (maître de conférences et des travaux pratiques de chimie). Les cours de la nouvelle faculté débutent le jeudi, 7 octobre 1920. Parmi les premiers étudiants, on retrouve Paul Cartier qui, après avoir terminé ses études, se joindra au corps enseignant du Département et y fera carrière jusqu'à sa retraite.
Le document de création précise que la Faculté des sciences est fondée dans le but d'offrir à la jeunesse les moyens d'acquérir en sciences une formation générale supérieure. Elle sera un foyer de préparation pédagogique pour les professeurs de l'enseignement supérieur et de l'enseignement secondaire classique et moderne. À ceux qui se destinent à la grande industrie chimique et qui se sentent attirés vers les recherches scientifiques, elle fournira les moyens d'atteindre à une haute culture scientifique. Les programmes d'études sont alors calqués sur ceux de la France.
La situation ambivalente du Département est bien exprimée dans un article de Georges Baril, directeur, qui mentionne que les cours de chimie minérale et de chimie organique de la première année (de médecine) passeraient sous le contrôle de la Faculté des sciences et que seul l'enseignement des chimies physiologique et pathologique resterait au programme des études médicales. Pour des raisons d'ordre économique et des considérations d'espace, on décida que les laboratoires de chimie de la Faculté des sciences et ceux de chimie physiologique de la Faculté de médecine devraient cohabiter, tant que la situation financière de l'Université ne permettrait pas qu'il en fût autrement. Le Département de chimie devint donc, en 1920, le Département de chimie sciences-médecine. Ce n'est qu'en 1938 que ce nom fut changé en celui d'Institut de chimie. Après vingt ans d'existence, le 14 octobre 1942, la Faculté des sciences prend possession de ses nouveaux locaux dans l’actuel Pavillon Roger-Gaudry. Des salles de cours spacieuses ainsi que des grands espaces de laboratoires permettent aux étudiants d'acquérir une solide formation scientifique. Cette expansion dans le nouvel immeuble contraste avec les conditions qui prévalaient rue Saint-Denis, où chaque étudiant avait à sa disposition « exactement deux pieds de table par dix-huit pouces de profondeur ».
La période qui s'étend de la création de la Faculté des sciences jusqu'à cette date peut être considérée comme l’époque des pionniers. La Faculté des sciences et le Département de chimie voient leur évolution fortement influencée par leurs promoteurs de la Faculté de médecine. L'organisation des études s’inspire d’un modèle à la française et un corps professoral très réduit mène des activités plutôt dispersées. Les conditions matérielles n'étaient pas très appropriées au développement d'activités de recherches. À l'exception du Frère Marie-Victorin, maintenant largement reconnu pour ses travaux en botanique, les professeurs fondateurs de la Faculté et du Département, tout en étant dévoués et correctement formés pour l'époque, n'avaient pas choisi la voie de la recherche. Les premiers professeurs à détenir des doctorats et susceptibles de faire de la recherche seront successivement Paul Riou, Roger Barré et Jules Labarre (qui sont à la fois chimistes et pharmaciens et qui partageront leur temps entre ces deux facultés), ainsi que Léon Lortie.
L’équipe du professeur Riou est la première à rassembler des résultats donnant lieu à des thèses de doctorat à contenu complètement canadien. Une première thèse est soumise par Fernand Corminboeuf en 1933.
La période allant de 1951 jusqu’à la fin des années 1960 consommera l'émancipation du Département de la Faculté de médecine et complétera la réorientation du Département vers les normes nord-américaines. Le corps professoral devient plus nombreux et développe des recherches fondamentales réalisées dans les laboratoires du Département. Cette période peut être considérée comme celle de l'émancipation et de la modernisation.
Le deuxième demi-siècle : de 1970 à maintenant
À compter de 1972, le Département de chimie se retrouve au sein de la vaste Faculté des arts et des sciences (FAS). Il dispense de l'enseignement aux étudiants des trois cycles d’études et encadre des chercheurs postdoctoraux. Les nominations et les promotions se font selon des protocoles définis par la FAS, dans un contexte de syndicalisation du corps professoral. Le nombre des professeurs s'est maintenu autour de vingt-quatre jusqu’en 1987.
Dans les années qui ont suivi, l’embauche de professeurs de carrière à plein temps s’est accélérée et le dynamisme du Département a connu un essor qui lui a permis de se hisser parmi les grands foyers de recherche en chimie au pays. Fondé par des chimistes organiciens, le Département a maintenu dans ce domaine une tradition d’excellence qui constitue toujours une composante primordiale des activités de recherche. La chimie physique, la chimie analytique, la chimie inorganique et la chimie théorique comptent également un nombre important de groupes de recherche. L’axe de la chimie des matériaux a été développée au cours des vingt dernières années, avec l’ouverture du Pavillon J.-A. Bombardier, partagé entre les équipes de recherche en chimie des matériaux et plusieurs équipes de l’École Polytechnique dans ce domaine d’importance primordiale. L’excellence des étudiants et chercheurs est soulignée par de nombreuses bourses et prix d’excellence au plan du Québec et du Canada, ainsi que par les chaires de recherche, dont une dizaine de chaires de recherche du Canada.
Créé il y a cent ans avec trois professeurs et une première promotion de deux étudiants, le Département de chimie s'est développé pour devenir une grande unité d'enseignement et de recherches. Il comprend trente-cinq professeurs et peut compter sur une quarantaine de personnes exerçant des fonctions de chimistes, commis, chefs de laboratoire, ingénieurs, techniciens en électronique ou en mécanique, secrétaires, techniciens de laboratoire, souffleurs de verre, agents de recherche et autres. L’infrastructure instrumentale a été transformée, tant au niveau de la recherche qu’à celui des laboratoires d’enseignement, grâce aux succès dans les grands concours de financement de la Fondation canadienne pour l’innovation et auprès d’autres partenaires. Les centres de spectrométrie de masse, de résonance magnétique nucléaire, de diffraction des rayons X, de chimie en flux continu et de caractérisation des matériaux ne sont que quelques exemples de cette nouvelle génération d’instrumentation à la fine pointe disponibles pour réaliser nos projets.
Le Département décerne en moyenne quarante baccalauréats spécialisés, vingt-cinq maîtrises et vingt-cinq doctorats par année. Il accueille de nombreux étudiants internationaux dans le cadre des programmes d’échange académique, impliquant souvent des universités partenaires de la Francophonie. Bon nombre de ces étudiants poursuivent dans un programme d’études aux cycles supérieurs suite à l’expérience d’échange. À partir de l’automne 2020, deux nouveaux programmes de Diplôme d’études supérieures spécialisées en Synthèse et architectures moléculaires et Analyses environnementales et industrielles seront offerts et nous accueillerons bientôt les premiers étudiants dans ces programmes.
Toutes les équipes de recherche présentent leurs travaux au plan international et de nombreux étudiants et chercheurs visiteurs de recherche de partout au monde sont accueillis au Département chaque année. La communauté départementale contribue de façon importante à l’organisation des grands congrès. Citons à titre d’exemples le 94e Congrès canadien de chimie en 2011, célébrant l’année internationale de la chimie proclamée par l’UNESCO, et le 48ème Congrès mondial IUPAC en planification pour l’été 2021 à Montréal.
Les initiatives de recherche des professeurs du Département débordent le domaine de la chimie traditionnelle. Certaines équipes du Département œuvrent à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’Université de Montréal (IRIC) ou à la Faculté de pharmacie. Plusieurs autres font partie de grands réseaux stratégiques, tels que le Centre québécois sur les matériaux fonctionnels ou PROTEO, le Regroupement québécois de recherche sur la fonction, l’ingénierie et les applications des protéines.
Fort de ce siècle de travail soutenu qui a permis la consolidation de la recherche et de l’enseignement dans notre Département, il y a tout lieu de croire qu’il saura poursuivre son essor dans l’environnement convivial et stimulant du nouveau Complexe des sciences. Venez nous visiter au http://chimie.umontreal.ca et en personne!
Source : https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/cjc-2020-0362