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Deux chercheurs étudient les vertus anticancéreuses de la metformine

Une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université McGill s’intéressent à la metformine, un médicament utilisé contre le diabète de type 2 qui pourrait avoir des propriétés anticancéreuses. «Nos travaux récents démontrent que l’antidiabétique prévient la reprogrammation du métabolisme des cellules cancéreuses et désignent une enzyme clé, le nicotinamide adénine dinucléotide [NAD]», affirme Gerardo Ferbeyre, professeur au Département de biochimie et médecine moléculaire de l’UdeM.

Le NAD serait une cible en puissance pour de futurs, mais encore lointains, traitements contre le cancer. La conversion du NAD en formule non oxydée (le NADH) est nécessaire aux cellules cancéreuses pour assimiler le glucose et produire des acides gras et acides aminés essentiels à la croissance cellulaire. Sans synthèse des acides gras et acides aminés, la division cellulaire est impossible. Or, c’est justement ce que la metformine semble faire. Autrement dit, l’antidiabétique empêche le cancer d’utiliser le sucre pour les réactions de synthèse! Sans que le résultat soit dommageable pour l’organisme.

Cette découverte de M. Ferbeyre, réalisée en collaboration avec Michael Pollak, de l’Université McGill, appuie l’hypothèse controversée du biochimiste allemand Otto Warburg voulant que le cancer soit un dérèglement du métabolisme et non une maladie génétique. À la différence des traitements ciblés qui ont la cote en matière de lutte contre le cancer, cette approche est à large spectre. «Otto Warburg est le premier à avoir proposé dans les années 60 que la façon dont le cancer utilise sa nourriture et obtient son énergie est en fait la base de la maladie. Nous suivons cette piste», signale M. Ferbeyre. Il aura fallu attendre une quarantaine d’années avant que le débat soit relancé. Jusqu’à ce qu’une étude écossaise établisse en 2005 un lien entre la metformine et un risque réduit de 20 à 50 % de souffrir de cancer. Et voilà que la communauté scientifique s’emballe.

Cette étude a incité les deux chercheurs montréalais à se pencher sur la metformine afin de préciser ces modes d’action, mystérieux à plus d’un titre. Pour l’heure, on sait que tous les processus mis au jour ont un site d’action commun : les mitochondries. C’est au cœur de ces organites spécialisés dans l’assimilation du sucre et la reconversion du carbone que la metformine semble jouer son plus grand rôle.

De l’intuition… à la science

C’est dans les années 60 que la metformine a fait son entrée dans l’arsenal thérapeutique contre le diabète de type 2. Le médicament produit à partir du galéga officinal, une plante utilisée à l’origine pour traiter les fréquentes envies d’uriner, assure depuis un bon contrôle de la glycémie avec un minimum d’effets secondaires.

Qui aurait pu prédire que ce «vieux» médicament pourrait être efficace contre le cancer? Dès 2009, Michael Pollak et Gerardo Ferbeyre avaient en tout cas pressenti que la metformine agissait dans les mitochondries. En 2011, leur intuition se confirme. «On a pris des cellules précancéreuses et on les a traitées à la metformine, indique M. Ferbeyre. On a alors constaté que l’exposition au médicament in vitro réduisait le taux de mutations cellulaires et l’accumulation des dommages à l’ADN.» Il faut savoir qu’en présence d’oncogènes les mitochondries produisent des radicaux libres. Ces substances réactives qui résultent de la production d’énergie par les cellules à partir des nutriments sont très délétères pour l’ADN et provoquent des mutations.

En 2013, les chercheurs publient d’autres résultats étonnants : les cellules traitées à la metformine ne produisent pas de cytokines inflammatoires, à l’origine de l’activation du système immunitaire en cas d’infection. Ils expliquent dans la revue Aging Cell le mécanisme moléculaire qui ralentirait la progression de certaines formes de cancer.

La découverte récente du professeur Ferbeyre ouvre une fois de plus la voie à une nouvelle approche pour guérir la maladie ou à tout le moins ralentir sa progression. Elle confirme qu’il est pertinent d’explorer les vertus de la metformine dans la prévention, la récidive ou le traitement du cancer.

Avec son collègue Michael Pollak, il poursuit ses recherches en collaboration avec Andréa Schmitzer, professeure au Département de chimie de l’Université de Montréal, dans le but de mettre au point un médicament qui pourrait se rendre dans les divers organes du corps. «L’idée est de concevoir un médicament analogue à la metformine qui serait capable de pénétrer dans les mitochondries des cellules cancéreuses sans avoir besoin d’un transporteur afin de pouvoir traiter tous les types de cancer», conclut Gerardo Ferbeyre.