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Compte rendu de la Conférence Roger-Barré 2015 mettant à l’honneur le Pr Robert Langer

Robert Langer

Le 11 février dernier, notre Département de chimie de l’Université de Montréal a accueilli Robert Langer, éminent professeur au MIT, dans le cadre de la 36e édition des conférences de prestige Roger-Barré. Son allocution, ponctuée d'humour mais surtout de réalisations scientifiques aussi diverses que remarquables, a su captiver et inspirer un auditoire conquis d’avance dans l’amphithéâtre Z-110 plein à craquer.

Tout bon scientifique qui parcourt régulièrement la littérature ne peut que vouer un grand respect --et peut-être un brin de jalousie cachée ?-- au Professeur Langer pour ses découvertes révolutionnaires dans les domaines aussi variés que l’ingénierie, la chimie, la biologie et la médecine. Encore la semaine précédente, il faisait la manchette internationale en ajoutant à sa longue liste de distinctions le Queen Elizabeth Prize for Engineering. Ce prix, doté d’un montant d’un million de livres sterling, est considéré comme l’équivalent anglais du Prix Nobel pour ingénieurs.

Merci encore à notre collègue Stephen Hanessian d’avoir usé de son influence pour que ce conférencier recherché accepte notre modeste invitation tout juste à son retour de Londres. Même Dame Nature nous a accordé un court répit entre deux tempêtes de neige pour faire décoller son avion ! Ses travaux de recherche n’ayant pas de frontières, sa visite éclair à Montréal a su attirer près de 450 étudiants et professeurs, toutes disciplines confondues.

     
Quelle foule ! Il y avait même des gens debout !

Très à l’aise sur scène, celui qui ne gaspille pas une seule minute de son temps précieux (il répondait à ses messages sur son cellulaire pendant que notre hôte Alexis Vallée-Bélisle l’introduisait en français) nous a parlé comme s’il parlait à ses amis intimes et nous a offert une prestation aussi énergique qu’énergisante.

Réalisations scientifiques majeures
Le thème de la conférence abordait un sujet d’actualité : les biomatériaux du 21e siècle et comment ils vont changer nos vies. D'entrée de jeu, le Professeur Langer nous a avoué qu’il n’a pas toujours été un très bon orateur (il avait figé en 8e année, oubliant tous ses mots lors de son premier exposé oral, ce qui lui a valu un beau F !), mais il a réussi à nous captiver tout du long en nous racontant la belle histoire de son parcours scientifique, en soulignant au passage quelques-unes des applications biomédicales les plus utiles qui ont découlé des dispositifs qu’il a mis au point à partir de polymères.

Entre autres, il a isolé les premiers inhibiteurs de l’angiogénèse dans le but de les administrer aux patients atteints de cancer pour bloquer la progression des tumeurs. Or, comme ces inhibiteurs thérapeutiques avaient un poids moléculaire assez élevé, il a eu l’idée de les encapsuler dans des microparticules poreuses de polymères qui permettaient leur diffusion graduelle dans l'organisme. Aujourd’hui, ces systèmes sont utilisés tous les jours pour le traitement de maladies telles que le cancer, le diabète, la schizophrénie et plus encore.

Quand la nanotechnologie a fait son apparition, il a pensé (en regardant une émission à la télévision) à développer des micro-puces implantables composées de petits puits capables d’entreposer et de libérer des doses précises de médicaments sur demande, comme pour le traitement du diabète ou de l’ostéoporose. Aujourd’hui, il a même trouvé des applications humanitaires à ses « médicaments intelligents » en s’associant à la Fondation Bill Gates pour financer la recherche sur une micro-puce contraceptive portée sous la peau des femmes afin de mieux contrôler les naissances dans les pays en voie de développement.

En outre, il nous a expliqué comment les polymères peuvent servir à construire des armatures ou « échafaudages » tridimensionnels sur lesquels les cellules vivantes peuvent produire de nouveaux tissus implantables. L’un de ses premiers succès a été le développement d’une peau artificielle, qui est maintenant couramment utilisée pour traiter les victimes de grandes brûlures. Aujourd’hui, l’objectif est de créer des organes complets en utilisant les cellules de patients comme matière première et des polymères artificiels biodégradables comme structure de base. Ce n’est plus de la science fiction : ses étudiants ont déjà réussi à sculpter des nez ou des oreilles en laboratoire ou même à cultiver des cellules souches neurales humaines pour réparer notamment des lésions de la moelle épinière. Les tests sur les humains viennent de commencer, et les résultats sont encourageants. Ce n’est pas une cure, mais les patients atteints de paraplégie font d’énormes progrès (ex : mobilité accrue, fonctions intestinale et vésicale améliorées).

Conférencier motivateur
Le Professeur Langer dégageait autour de lui une aura teintée de génie et de sagesse. En l'écoutant, on dénotait dans son discours des messages d’encouragements et de leçons de vie, pour le plus grand bien de nos étudiants attentifs. Retenons par exemple : 

- « Ne pas prendre pour acquis que ça ne marchera pas, simplement parce que les autres le disent ». À maintes reprises, il est revenu sur ses débuts de carrière plutôt incertains. Il a dû essuyer de nombreux refus et endurer très souvent le scepticisme de la communauté scientifique à l’égard de ses travaux. Il va sans dire qu’il n’a pas toujours eu de mots tendres pour les évaluateurs de ses demandes de subventions et de brevets ! La morale est simple : les échecs ne sont pas une fin en soi; il faut persévérer et combattre les idées reçues.

- « Ce n’est pas toujours suffisant d’avoir une bonne idée ». Il nous a appris qu’il faut parfois prendre des chemins plus détournés pour rendre les nouvelles technologies plus accessibles. Il a dû se transformer en entrepreneur chevronné pour mettre ses découvertes plus rapidement sur le marché. Il nous conseille d’être audacieux et d’aller chercher du financement là où les gens n’y pensent pas nécessairement.

- «  La recherche ne s’accomplit pas seul ». Tout au long de sa présentation, il ne tarissait jamais d’éloges sur ses étudiants à qui il attribue tous ses succès et il était fier de mentionner où ils étaient rendus dans la vie. Pour lui, la recherche interdisciplinaire est la voie du futur.

Période de questions
Une riche discussion s’est engagée entre lui et les participants au cours de la période de questions. Il était fascinant de voir comment son esprit cartésien disséquait automatiquement chaque question qu’on lui posait afin d’y répondre avec la plus grande clarté et précision.


Auditoire tout ouïe devant les réponses du Professeur Langer

Pour briser la glace, une professeure a demandé quelle serait la formation idéale pour qu’un étudiant puisse mener une carrière épanouie. Selon lui, il n’y a évidemment pas de réponse universelle, mais acquérir les connaissances de base est primordial. « Une fois que vous avez en main un bagage solide, vous pouvez vous permettre de sortir de votre zone de confort », a-t-il insisté. Ainsi, en diversifiant ses compétences, on pourra atteindre les objectifs les plus fous.

Pour enchaîner, elle lui a demandé comment il fait pour gérer le plus grand laboratoire universitaire au monde. « Je n’ai aucun mérite; mes étudiants sont tous à la base très intelligents et très indépendants » a-t-il riposté avec le sourire ! Il a ajouté, qu’avec ses entreprises, il aime être très impliqué au début, tel un père qui souhaite ce qu’il y a de mieux pour ses enfants pour ensuite les laisser voler de leurs propres ailes.

Retenons aussi la question d’un étudiant qui a demandé comment réagir face à la pression d’un sujet trop ambitieux. Il a répondu qu’il a toujours été très borné de nature et que, s’il croyait très fort à une idée, c’était impossible de la lui faire abandonner. Il a cependant nuancé que, s’il considère la question avec les yeux d’un directeur de recherche, alors il a la responsabilité de savoir doser la difficulté des projets et ainsi permettre à ses étudiants d’obtenir des résultats publiables rapidement afin de consolider leur avenir.

Finalement, en réponse à une question (plus cocasse car c’était la dernière), oui, il nous a avoué qu’il avait bien les numéros de téléphone du Président Obama et de Bill Gates ! Toutefois, il a aussitôt rétorqué (avec la plus grande humilité) que ces gens-là avaient dans leur équipe des centaines d’autres experts plus compétents…

Disponibilité généreuse et attentive
À la fin de la conférence, tout le monde voulait continuer à parler au Professeur Langer, qui, très patiemment, a serré des poignées de mains, a accepté des cartes professionnelles et a pris la pose le temps d’une photo impromptue… Un exemple parfait de la politesse et la marque d’un grand homme ! En l’ayant côtoyé juste quelques instants, nos étudiants sont repartis plus inspirés et motivés que jamais à faire avancer leur propre recherche.

    
Moments intimes avec le Professeur Langer

Profil de Robert Langer
Relire le dépliant de la conférence Barré 2015